Coup d’État militaire au Gabon contre le président Ali Bongo, ami d’enfance de Mohamed VI
Mohamed VI pourrait perdre le paradis du Gabon dans lequel il passe de longues périodes de l’année et qu’il alterne avec son hôtel particulier à Paris. Votre hôte, jusqu’ici président du pays Ali Bongo, ami d’enfance du monarque alaouite, a été destitué ce mercredi par un groupe d’officiers de l’armée après une élection présidentielle marquée par des allégations de fraude. La famille Bongo était au pouvoir depuis 56 ans dans ce pays frontalier de la Guinée équatoriale, du Cameroun et de la République du Congo.
Un groupe de militaires gabonais en uniforme est apparu ce mercredi à la télévision d’État, quelques minutes après que la plus haute autorité électorale du pays a rendu publics les résultats de l’élection présidentielle de samedi dernier, qui a accordé la victoire à Bongo, à la présidence depuis 2009 et qu’il aurait obtenu 64,27 pour cent. des voix contre 30,77 pour cent des Albert Ondo Ossa, le principal candidat de l’opposition. La France, ancienne puissance coloniale, a demandé que les résultats soient respectés. Le pays français compte 370 soldats déployés en permanence dans le pays.
Bongo, assigné à résidence
Selon les premières informations, Bongo est assigné à résidence « entouré de sa famille et de médecins ». L’un de ses fils a été arrêté pour « trahison ». La garde du palais présidentiel aurait pris le contrôle du complexe.
« Au nom du peuple gabonais… nous avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime actuel », ont déclaré les officiers dans un communiqué lu par l’un des soldats tandis que le reste des hommes en uniforme, une douzaine, sont apparus devant les caméras. Les dirigeants du coup d’État se sont proclamés membres du « Comité pour la transition et la restauration des institutions » et ont assuré que les élections n’étaient pas transparentes, crédibles et inclusives. Ils ont également accusé Bongo de gouverner de manière de manière « irresponsable et imprévisible », détériorant la « cohésion sociale ».
Fermeture des frontières et dissolution des institutions
Les rebelles, qui prétendent représenter l’ensemble des militaires du pays, ont ordonné la dissolution de l’Exécutif, du Sénat, de l’Assemblée nationale, de la Cour constitutionnelle et de l’organe chargé d’organiser les élections. Ils ont également décrété la fermeture de toutes les frontières jusqu’à nouvel ordre. Selon Reuters, dans la capitale Libreville, des coups de feu ont été entendus après la proclamation du «manu militaire». Les premières images montrent des centaines de citoyens célébrant la chute de Bongo dans les rues.
Une amitié héritée
Ali Bongo, 64 ans, briguait son troisième mandat après 14 ans au palais. Il a hérité de son père Omar Bongo, le deuxième président du pays qui a « régné » sur le pays africain pendant 42 ans, jusqu’à sa mort en 2009, et sept ans seulement après que le Gabon soit devenu indépendant de la France. Son père, très proche de feu Hassan II, lui a également légué des liens étroits avec la cour alaouite. Il y a six ans, Ali se vantait en public de sa longue amitié avec Mohamed VI en partageant une photo des deux adolescents. « La véritable amitié est celle qui n’a pas de secrets », a-t-il écrit.
En plein débat public sur ses absences de plus en plus prolongées et controversées du pays, Mohamed VI a choisi le Gabon comme destination loin des intrigues de palais du Maroc. Le président gabonais déchu était aussi jusqu’à présent un habitué du Maroc. Il a visité périodiquement le pays avec d’autres membres de sa famille lors de voyages officiels et privés et s’est laissé photographier en public. Le Gabon est l’un des principaux alliés politiques et économiques sur un continent dans lequel l’Algérie et la République arabe sahraouie démocratique bénéficient d’un soutien important.
Un pays riche en pétrole et embourbé dans la pauvreté
L’opposition gabonaise a rappelé cette amitié en dénonçant, le week-end dernier, l’assaut de la police marocaine contre la légation diplomatique du pays à Rabat alors qu’on comptait les votes des Gabonais résidents dans le pays. Les citoyens qui voulaient assister au décompte ont été expulsés par les agents et des affrontements violents ont été enregistrés.
La tension au Gabon, un pays riche en pétrole et en cacao de 2,3 millions d’habitants mais ravagé par la pauvreté, s’est accentuée depuis les élections présidentielle, législatives et locales de samedi dernier. Après la fermeture des écoles, les autorités du pays ont décrété un couvre-feu et coupé le service Internet. Les élections se sont également déroulées sans la présence d’observateurs internationaux et précédées de la suspension des médias étrangers.
S’il réussit, ce coup d’État serait le huitième enregistré en Afrique francophone depuis 2020. Le récent coup d’État au Niger rejoint ceux du Mali, de la Guinée, du Burkina Faso et du Tchad. Lundi précisément, le président français Emmanuel Macron a dénoncé « l’épidémie » de coups d’État ces dernières années dans une zone d’Afrique où Paris maintient une présence militaire.