Le Maroc emprisonne l’ancien ministre Mohamed Ziane après avoir appelé à l’abdication de Mohamed VI
L’avocat et opposant marocain, Mohamed Ziane, a soulevé une énorme poussière en octobre dernier lorsque, dans les pages de L’indépendant appelé à l’abdication de Mohamed VI. L’ancien ministre des droits de l’homme a été arrêté et incarcéré tard ce lundi après des semaines de harcèlement croissant de la part des autorités marocaines.
Son incarcération intervient quelques heures après qu’une peine de trois ans de prison ferme a été confirmée en cour d’appel. Une vingtaine de policiers en civil ont fait irruption dans son bureau. « Ils l’ont transféré à la prison d’El Arjat (près de la capitale Rabat). Ils ne l’ont pas notifié légalement (sa condamnation) », pointe-t-il auprès de l’AFP. Ali Reda Ziane, l’un des avocats de l’opposant. « Il a été condamné (par la cour d’appel de Rabat) pour tous les crimes possibles et imaginables. C’est une aberration que je n’ai jamais vue auparavant », a déploré son fils.
Selon le parquet, « les services de police judiciaire compétents (…) ont arrêté l’intéressé et l’ont incarcéré ». Ziane était jugé pour une plainte du ministère de l’Intérieur qui l’accusait de onze crimes, dont « offenses à des agents publics et à la justice », « outrage à corps constitué », « diffamation », « adultère » ou « harcèlement sexuel ». Un tribunal marocain l’avait déjà condamné en février à trois ans de prison et 5 000 dirhams d’amende (environ 450 euros). Cependant, l’opposant a fait appel de cette condamnation.
Il y a une semaine et demie, les autorités lui interdisaient déjà de quitter le pays. « Je confirme qu’ils m’interdisent arbitrairement de quitter le territoire national », confirmait à l’époque l’avocat et fondateur du Parti libéral du Maroc. L’homme politique de 80 ans a pris connaissance de la mesure alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol à l’étranger. La police l’a informé qu’il y avait une ordonnance du tribunal pour empêcher son voyage.
« Tout cela, c’est de la pression. Ils cherchent à m’intimider. Ils assurent qu’il y a un autre nouveau procès ouvert contre moi, mais je n’en sais pas plus », a dénoncé Ziane. « La raison est certainement liée à mes idées, qui sont celles que j’ai confirmées dans l’interview avec ce journal », a déclaré le politicien. « Je ne vais pas changer d’avis car ce serait un harakiri politique », a-t-il prévenu.
Ziane a fait l’objet d’une brutale campagne de diffamation de la part de la presse marocaine contrôlée et bâillonnée depuis la publication de l’interview dans ce journal en octobre dernier. Le pouvoir médiatique a alors réclamé la prison pour l’avocat, lançant lui aussi un flot d’insultes, passant d' »hérétique », « fou » ou « terroriste » à « traître » et « cinquième chroniqueur ».
Dans la conversation avec ce journal, Ziane a dénoncé l’absence déjà prolongée de Mohamed VI – qui réside à Paris et ne se rend à Rabat que pour présider certaines cérémonies -, qu’il a qualifiée d' »anormale » et a exigé que le monarque alaouite décide s’il voulait continuer sur le trône ou préféré vivre sa vie loin de ses responsabilités.
« L’avenir du Maroc n’est pas entre de bonnes mains. Donc je m’attends au pire », prédisait-il alors. Il était l’un des dissidents qui a été victime d’espionnage par Pégaseavec la vie privée comme chantage permanent de Rabat, et a récemment été condamné à trois ans de prison après avoir été reconnu coupable de 11 chefs d’accusation.