Les Émirats arabes unis ont enquêté sur le journaliste de « El Independiente » Francisco Carrión pour ses informations sur le régime
Le journaliste de L’indépendant Francisco Carrion a fait l’objet d’une enquête diligentée par les services de renseignement des Émirats arabes unis pour ses informations sur Matar Suhail al Yabhuni Al Dhaheri, « le bras droit » du prince héritier d’Abu Dhabi, selon une enquête publiée ce mercredi par Informations gratuites sur la base de documents obtenus par Mediapart et partagés avec le réseau European Investigative Collaborations (EIC).
Le média cité souligne que les Émirats arabes unis ont fait appel à l’agence de détectives suisse Alp Services pour enquêter sur des journalistes qu’ils « considéraient comme des informateurs hostiles à leur cause ». L’un d’eux était alors correspondant de Le monde en Egypte et depuis 2021 éditeur de L’indépendant François Carrion. En Espagne, Alp Services a sous-traité l’enquête à l’agence barcelonaise Castor & Polux.
La publication de Carrión qui a alarmé le régime émirati est un rapport publié le 27 juillet dans La Otra Crónica (LOC), le supplément rose de Le monde. Dans ce document, l’actuel rédacteur en chef de L’indépendant il expliquait que Matar Suhail était le propriétaire d’une équipe cycliste italienne, Lampre, qu’il avait rebaptisée UAE Team Emirates. De plus, il a écrit que Matar Suhail s’était enrichi de projets immobiliers en Serbie et que son nom et celui de son frère figuraient dans les Panama Papers en tant que propriétaires d’une société dans les îles Vierges britanniques.
De même, Carrión a souligné que l’Emirati, propriétaire d’une grande entreprise de construction dans son pays avec le nom serbe Kopaonik, avait obtenu la nationalité du pays slave « en reconnaissance pour ses efforts pour développer les relations commerciales » entre les deux Etats.
Certaines des données qui ont enrichi le rapport avaient été publiées deux ans plus tôt dans Œil du Moyen-Orient, un média belliqueux pour les Emirats Arabes Unis. Recherche Informations gratuites indique que les Émirats arabes unis ont été alertés pour faire remonter cette information deux ans plus tard « Pourquoi écrire à ce sujet deux ans plus tard? », lit-on dans le procès-verbal. « Le journaliste est clairement un partisan des Frères musulmans », est donnée comme seule réponse.
Les six premières pages se limitent à lister les données personnelles du journaliste et son CV professionnel. Le rapport indique également que Carrión n’a pas de voiture, d’appartement, de dettes ou d’entreprises à son nom. Les deux dernières pages passent en revue la couverture par le journaliste des activités des Frères en Égypte.
Lorsqu’on l’interroge sur Informations gratuites Concernant la situation, le journaliste d’El Independiente Francisco Carrión a reconnu qu’il n’était « pas du tout » surpris par l’intérêt des Emirats pour son travail. Carrión explique que son retour en Espagne était précisément lié au « harcèlement continu » auquel le régime du maréchal Al Sisi l’a soumis après le coup d’État qui a renversé en 2013 Mohamed Mursi, élu après le printemps arabe et membre de les Frères musulmans.
Francisco Carrión (Grenade, 1986) a été correspondant du quotidien Le monde au Caire. Il a réalisé des reportages dans une douzaine de pays, dont l’Irak, la Syrie, l’Arabie saoudite et la Turquie. Depuis 2011, il raconte depuis l’Egypte les années les plus dramatiques de l’histoire du pays arabe.
Pour son travail et ses chroniques, il a reçu près de vingt prix, entre autres, le prix du jeune journaliste de l’année de l’Association de la presse de Madrid -anciennement le prix Larra- ; le Prix Jeune Communication de l’Université Complutense de Madrid ; le prix Tiflos de journalisme décerné par la Fondation ONCE ; la Colombine de l’Association de presse d’Almería ; les Mains unies ; Manuel Alcántara de l’Université de Malaga ; ou Manuel Azaña d’Alcalá de Henares.
Au cours de cette décennie, il a signé des exclusivités qui ont eu une résonance internationale comme Alzheimer de l’acteur Omar Sherif ; les entretiens avec la mère de Mohamed Atta, l’un des cerveaux de l’attentat contre les tours jumelles de New York, et Rabei Osman, « Mohamed l’Egyptien », prétendument impliqué dans les attentats du 11-M à Madrid.